La chronique de Hafid Derradji. Non-assistance à un pays en danger

Hafid Derradji

Dans le dictionnaire des termes juridiques, on lit cette expression : « Non-assistance à personne en danger qui est sanctionnée par le code pénal ». Lorsqu’une personne peut secourir quelqu’un qui court un risque pour sa vie et qu’elle n’intervient pas, elle peut être poursuivie pénalement sur ce fondement (il s’agit d’un délit).

Les générations pourront nous le reprocher si les choses perdurent dans notre pays, si la corruption poursuit sa route, si l’Algérie continue sa chute libre dans l’abîme, sans une dénonciation directe ou indirecte des responsables, des personnalités, des partis, des associations ou de toutes autres couches de la société qui restent passives face à la situation. Si ces différents protagonistes n’accourent pas au secours d’un peuple qui souffre et dont la détresse augmente chaque jour à cause du déclin des valeurs et des principes et de l’échec des responsables à construire un État de droit, des institutions fortes et répondre aux besoins des citoyens. Si les choses perdurent, alors oui les futures générations d’Algériens nous reprocheront notre passivité et notre abstention à secourir.

Les générations futures nous inculperont pour « non-assistance à président en danger », assigné en résidence surveillée depuis des années à Zeralda, entouré d’une poignée de rapprochés qui lui soufflent des histoires et lui taisent le mal être de la classe politique et des différentes franges de la société, la régression de l’Algérie devant le concert des Nations alors que les règlements de compte ont atteint leur apogée. L’Algérie se déchoit de jour en jour et dans tous les domaines. On en vient à avoir honte de lire les couvertures médiatiques qui lui sont consacrées et qui la classent parmi les dernières et dans tous les domaines.

Les générations à venir nous imputeront notre silence pour les pratiques individualistes qui se nourrissent de nos faiblesses et de nos frayeurs, et mêmes de nos engagements et de notre patience. Des pratiques qui ont démembrées notre institution militaire, qui donne l’impression d’être un corps malade, ce qui reflète négativement sur le moral de la population et des troupes qui souffrent maintenant de peur et de doute face à un avenir incertain alors que cette même grande muette faisait trembler toute les forteresses et était source de fierté et de confiance pour nous !

Les Algériens de demain dénonceront notre manque de réactivité devant la dilapidation des richesses du pays par le clan présidentiel et par un groupe d’opportunistes qui pratiquent tous types de pressions et d’extorsions sur des responsables dont certains ont sont morts comme ce fut le cas pour le wali d’Annaba qui s’en est allé devant la mafia de l’immobilier et des groupes d’influences qui décident de l’avenir des gens et ont fait de ce peuple leur otage. Ils scandent des slogans mensongers voilés d’honneur, de justice, d’équité et de stabilité.

Les futures générations nous reprocheront de leur avoir laissé une bombe prête à exploser à n’importe quel moment, que ce soit dans les secteurs de l’éducation, de l’enseignement, de la culture, du sport ou de la justice. Elles dresseront le constat d’une économie aux aguets, de puits de pétrole à sec et de nombreuses désillusions ; d’une jeunesse prête à se laisser mourir en mer et juste pour une goutte de pluie ou pour un brin de soleil en plus. Elles regretteront le système de santé déplorable que nous leur avons légués, un système de santé faisant encourir la mort face à un simple rhume.

Les jeunes générations nous blâmeront pour notre faiblesse et notre lâcheté pour avoir pris comme président un être inapte à parler et à marcher… Nous étions inaptes à rejeter les dilapidations et les vols massifs et excessifs des deniers publics. Nous n’avons pas su investir ni leur léguer un pays en bonne santé. Au lieu de cela, nous leur avons remis un pays malade, classé dernier en matière de liberté d’expression et d’anti-corruption. Un pays dont le plus grand investissement n’a été qu’une autoroute ultra coûteuse et qui n’est autoroute que de nom. Un pays dont le système éducatif produit, non pas des intellectuels, mais des dealers de drogues et des cancres. Un système politique qui n’apporte au pays ni des penseurs ni des décideurs mais des va-nu-pieds, des achetés et des corruptibles.

Les futures générations nous accuseront de n’avoir su porter assistance à un pays dont les institutions sont à genoux. Elles nous demanderont pourquoi ceux qui refusaient la malversation et la corruption étaient pointés du doigt. Elles exigeront de comprendre pourquoi ceux qui criaient haut et fort leur rejet des pratiques de clientélisme et de régionalisme n’étaient pas écoutés ; pourquoi la déchéance et l’autodestruction étaient monnaie courante ; pourquoi un président qui n’en n’était plus un, un ministre non plus et un directeur une marionnette…

Les générations à venir n’auront pas pitié de et réclameront des comptes à tous ceux qui ont nui à ce pays et à tous ceux qui se sont tus de peur. Toutes les lois du monde sont intraitables quand il s’agit de non-assistance à personne en danger, que celle–ci soit demandée ou pas. Le verdict est d’ailleurs plus sévère quand ladite assistance a été maintes fois implorée. Notre pays est aujourd’hui dans la position de cette victime implorant ses enfants de l’assister. L’histoire dira que nous sommes restés passifs, tels des spectateurs, devant le spectacle désolant d’un président assiégé, d’un pays tenu en otage et d’un peuple tant de fois méprisé pour son indéfectible amour pour son pays !

derradjih@gmail.com


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