Que cachent les poursuites judiciaires contre Sadi ?

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Le Parquet d’Alger n’a pas mis longtemps à réagir aux propos de Saïd Sadi sur Ahmed Ben Bella, Ali Kafi et Messali El Hadj tenus il y a quelques jours à Sidi Aïch, dans la wilaya de Béjaïa. Le procureur de la République a décidé de l’ouverture d’une information judiciaire qualifiant les déclarations de l’ancien chef du RCD de « propos diffamatoires ».

« L’ouverture de cette information judiciaire intervient suite aux informations rapportées par certains médias relatives aux déclarations faites par M. Saïd Sadi lors d’une conférence-débat qu’il a animée à Sidi Aïch (Béjaïa) au cours de laquelle il a imputé à l’ex-chef d’État, feu Ahmed Ben Bella, et à l’ex-chef d’État, feu Ali Kafi ainsi qu’à la personnalité nationale et historique Messali El Hadj, des faits portant atteinte à leur honneur et à leur considération », a expliqué le Parquet dans un communiqué.

Pourtant bien avant Saïd Sadi, des responsables et d’autres figures historiques avaient tenu des propos similaires sans qu’ils soient inquiétés par la justice. Saïd Abadou, patron de l’ONM, avait lui-même qualifié Messali Hadj de traître. « Messali est un traître. Les messalistes sont des collaborateurs. Ils ont aidé l’armée coloniale à mâter le Front de libération nationale », avait-il déclaré en octobre 2011.

De son vivant, l’ancien président Ahmed Ben Bella ne ratait aucune occasion pour s’attaquer violement à Abane Ramdane et Krim Belkacem, deux figures de la révolution.

Plus récemment, il y a quelques jours, le fils du colonel Amirouche, Nouredine Ait Hamouda, invité d’une émission de la chaîne KBC, avait également accusé Messali de « traître » et évoqué les assassinats de certains héros de la révolution sans que cela ne donne lieu à débat, ni à des poursuites judiciaires.

Des poursuites qui suscitent des interrogations

Dans ce contexte, on peut s’interroger sur cette célérité de la justice, quand bien même elle est dans son rôle, à se saisir d’une affaire qui est par ailleurs sujette à débat. S’agit-il, dans le contexte d’incertitudes politico-économiques qui plane sur le pays, de faire diversion ? Veut-on réduire au silence une voix – celle de Saïd Sadi – dont les sorties, notamment après la publication du livre sur la mort du colonel Amirouche sur certains aspects de l’histoire du Mouvement national, agacent de plus en plus les dirigeants du pays dont certains d’entre eux étaient acteurs au moment des faits ?

Torpiller la CNLTD

Ou alors, à travers Saïd Sadi, ne cherche-t-on pas, par ricochet, à torpiller le travail de la CNLTD dans laquelle son parti, le RCD, joue un rôle actif ? Au sein de cette instance cohabitent plusieurs formations et personnalités politiques dont la base et l’électorat ne partagent pas les lectures de Saïd Sadi sur l’histoire de l’Algérie. Les partis de la CNLTD, dont le RCD, ne se sont pas encore exprimés sur le sujet. Mais si la polémique venait à prendre de l’ampleur, ils pourraient être amenés à se positionner clairement sur des sujets sensibles.

Enfin, il est peu probable que les poursuites soient menées à terme en raison du fait que cette affaire risque d’ouvrir la « boite de Pandore » de l’Histoire de l’Algérie. Ben Bella et Messali Hadj n’ont été réhabilités que récemment. Durant le règne de Boumediene et de Chadli, ils n’avaient aucune existence dans les manuels scolaires. Le pouvoir devra aussi assumer sa part de responsabilité de cette lecture orientée de l’Histoire, selon les périodes. Issu de la génération d’indépendance, Saïd Sadi semble décidé à engager le débat. « J’assume mes propos ! », a-t-il déclaré.


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