Emeutes, rassemblements, marches : climat de tension permanent dans le Sud du pays

ouargla

Le Sud du pays s’installe durablement dans un climat de tension permanent avec la multiplication des manifestations. Á El Oued, des dizaines de personnes se sont rassemblées, ce dimanche 14 décembre, devant le tribunal où le procès de onze jeunes devait avoir lieu, selon Rachid Aouine, militant des droits de l’Homme. « Ce sont les membres des familles de ces jeunes arrêtés jeudi dernier pour atteinte aux biens de l’État. Leur procès devait avoir lieu aujourd’hui, mais il a été reporté au 26 décembre », précise la même source.

Á Ouargla, des chômeurs ont organisé une marche et tenu un rassemblement devant le siège de la wilaya avant d’être dispersés par la police, affirme Fares Benkassir, membre du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC). D’autres membres de ce comité ont manifesté à Hassi Messaoud, selon lui. Á Touggourt, dans la commune de Tibesbest, des manifestants ont incendié le siège de l’APC dans la nuit du samedi à dimanche. Le 28 novembre, de violentes émeutes avaient fait deux morts et plusieurs blessés à Touggourt.

« Comparaison avec le Nord » 

Cette montée en puissance des revendications sociales dans cette région longtemps à l’écart des mouvements de protestation du nord du pays s’explique par plusieurs facteurs. Lotfi Kheïr Allah, député MSP de Ouargla, donne des explications : « Les habitants du sud sont, aujourd’hui, plus revendicatifs », concède-t-il. Presque isolés dans le passé, « Ces jeunes ont les médias notamment audiovisuels qui leur permettent de faire la comparaison entre leur région et celle du nord aujourd’hui. Par exemple, Ouargla, Constantine, Oran ou Alger », explique notre interlocuteur. « Nous avons une nouvelle génération qui a compris qu’il fallait lutter pour arracher ses droits », renchérit Yacine Zaïd, militant des droits de l’homme, résident à Laghouat.

« Des revendications légitimes »

Pour comprendre la situation, « Il est nécessaire d’aller visiter les villes les communes du sud où règnent une anarchie totale ! », affirme M. Zaïd. « Ils (les habitants) ont le droit de demander des postes de travail et des logements », lance le député du MSP qui cite, également le problème du manque des spécialistes dans les grands hôpitaux du sud. « Á Ouargla, nous n’avons pas eu, durant des années, des spécialistes en médecine légale ! », déplore-t-il. Pour M. Kheïr Allah, la population du sud a constaté le manque de sérieux du gouvernement pour satisfaire ses revendications. « Même le premier ministre n’a pas pu imposer son instruction aux groupes pétroliers dans la région ! », affirme-t-il.

L’instruction du premier ministre 

« Il faut appliquer l’instruction du premier ministre à la lettre ! Une instruction qui est dans le tiroir et à laquelle on pense à chaque fois qu’il y a une manifestation », regrette Mahfoud Guemama, député du FLN pour la wilaya de Tamanerasset. « Les postes d’emploi doivent être distribués de manière juste. Ils doivent passer par une commission présidée par le wali. Et il se trouve que certaines entreprises embauchent sans passer par la commission », dénonce notre interlocuteur. Quoi qu’il en soit, le « gouvernement remplit ses devoirs », rectifie M. Guemama. « Les problèmes liés au logement et à l’emploi se posent partout dans le monde et se posent au nord comme au sud et à l’est comme à l’ouest du pays », relativise-t-il.

Risque de radicalisation 

S’il se réjouit de voir les jeunes de la région se battre pacifiquement, Yacine Zaïd ne cache pas ses appréhensions quant à l’évolution de la situation. « Si ces jeunes viennent à s’apercevoir que la lutte pacifique n’a rien donné, ils pourraient opter pour d’autres moyens », prévient-il avant d’ajouter : « Et là, les groupes intégristes pourraient les convaincre de lutter autrement ». Yacine Zaïd se rappelle toujours de ses discussions qu’il avait eues avec des jeunes dans la prison de Ouargla. « Là-bas, j’ai découvert des Algériens qui éprouvaient de la haine pour d’autres Algériens et c’est grave », lâche-t-il.


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici