La chronique de Hafid Derradji. Boumediene, Chadli et Bouteflika…

Hafid Derradji

Le défunt Houari Boumediene a nationalisé les hydrocarbures et les richesses nationales au cours des années 1970. Il a, par la suite, investi les revenus et les ressources financières dans de grands projets socioéconomiques dont le peuple bénéficie encore à ce jour.

L’ère Chadli Bendjedid a vu l’engloutissement de nos ressources financières tirées des hydrocarbures dans des dépenses superflues et nous avons dû subir la crise économique mondiale. La baisse du prix du pétrole qui avait atteint 9 dollars le baril avait fait s’écrouler l’économie nationale et créé une grande instabilité sociale à la fin des années 1980. L’Algérie a, par la suite, connu les affres du terrorisme et de la violence à tous les niveaux.

Quand Bouteflika est arrivé au pouvoir, les malversations et la corruption se sont multipliées. Nous avons adopté comme politique la stratégie du gaspillage et de la distribution de la rente, alors qu’il aurait fallu investir et créer des richesses pour libérer l’économie de sa dépendance à l’égard des hydrocarbures.

L’avènement des années 2000 a vu l’instauration de la paix, la sécurité et la stabilité grâce aux sacrifices consentis par le peuple. Dans le même temps, le prix du pétrole s’est envolé pour dépasser les 100 dollars le baril. Les revenus de l’Algérie ont totalisé les 1 000 milliards de dollars durant les 15 années du règne de Bouteflika. Nous avons dépensé 800 milliards de dollars pour construire 3 millions de logements et des routes qui tuent des milliers de personnes annuellement, un métro inachevé, une ligne de tramway unique en son genre et un système éducatif scolaire et universitaire qui ne répond nullement aux besoins pédagogiques de nos enfants.

Parallèlement à cela, nous n’avons pas construit d’infrastructures, ni d’aéroports ni même un seul stade pour l’Équipe nationale, et encore moins un hôpital de l’envergure de celui de Mustapha Pacha qui reste l’unique infrastructure hospitalière pour le pauvre Algérien malade, tandis que le Président se rend en pèlerinage régulier en France, en Espagne ou en Suisse pour ses soins.

L’argent des Algériens n’a pas été investi pour répondre aux besoins croissants des enfants du peuple, encore moins pour générer des richesses dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie, du tourisme et des services. Ainsi, on a fait rater au peuple la grande opportunité de connaitre les changements positifs survenus dans le monde avant l’effondrement des prix du pétrole…

L’État ne s’est pas seulement privé d’investir, il s’en est allé à distribuer l’argent public et les rentes aux wilayas à l’approche des élections pour faire taire le peuple et acheter la paix sociale. Ce faisant, il a poussé les différentes franges de la société, les protestataires et les grévistes à sortir dans la rue pour réclamer leurs droits. Son message était assimilé à une réaction aux doléances de toute personne sortant dans la rue, tel un pompier quittant son unité pour éteindre un incendie, un feu… les feux de la discorde !

Les prix du pétrole baissent, les traits d’une crise majeure se dessinent et vont se refléter sur le peuple et les générations à venir, alors que nous nous réveillons sur le bruit assourdissant d’une supercherie et une sournoiserie multidimensionnelles qui, inexorablement, nous mènent vers la dilapidation des deniers publics. Les institutions de l’État sont en faillite, incapables de faire leur travail, celui du contrôle et de la sanction. On voit disparaitre les principes et les bonne pratiques et la généralisation de la corruption, du vandalisme et du banditisme. Ainsi, l’Algérie se place au 100e rang mondial au classement de Transparency International pour l’indice de perception de la corruption dans le monde.

Nous avons passé en revue trois périodes de l’Algérie postindépendance. Aucune leçon n’a été tirée ni apprise, alors, nous nous retrouvons devant trois crises, comportementale, économique et institutionnelle, qui ont conduit à une corruption massive ayant trois piliers, à savoir : une politique dirigée par le vieux parti et certains bénéficiaires ; des medias, qui, à travers certaines miettes jetées par-ci, par-là en font l’éloge du pouvoir et une aisance financière apte à payer la stabilité via la paix sociale et cela, quel que soit le prix.

Si la situation persiste, les réserves financières fondront et le dinar poursuivra sa chute libre. L’inflation augmentera, le chômage s’intensifiera et les prix des produits de grande consommation prendront leur envol. L’instabilité sociale s’installera une nouvelle fois et les autorités demanderont au peuple d’accepter une politique d’austérité et de se serrer la ceinture : un retour de trente ans en arrière alors qu’on aurait pu et dû porter le pays vers des mers plus calmes et des cieux plus cléments.

derradjih@gmail.com


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