Issad Rebrab est le président du groupe Cevital. A la veille du sommet franco-algérien à Paris, il parle de ses projets d’investissement en Europe.
Quelle est votre stratégie à travers le rachat des aciéries Lucchini en Italie ?
Nous sommes partis à l’international pour chercher des relais de croissance pour nos activités en Algérie. Nous nous sommes intéressés au projet italien pour deux raisons importantes. D’abord, ce projet nous permettra d’avoir une très grande plateforme logistique pour nos exportations algériennes vers l’Europe. Nous avons bénéficié de 560 hectares et d’un port agrandi nouvellement par le gouvernement italien à Piombino -où se trouvent les aciéries- dont deux quais sont mis à notre disposition. Nous les utiliserons pour les besoins du complexe sidérurgique mais aussi pour la plateforme logistique et pour d’autres investissements dans l’industrie agroalimentaire en Italie. Ensuite, ce projet nous permettra également de développer toute l’industrie mécanique en Algérie pour l’utilisation d’aciers spéciaux (produits à Piombino) dans la production de roulements, de pièces détachées automobiles, de boulons, d’équipements pour des forages pétroliers, d’outillages mécaniques et de machines outils etc. A Piombino, nous avons acquis un savoir-faire que les Italiens ont accumulé pendant des siècles.
La Banque d’Algérie, qui a adopté un règlement autorisant les entreprises à investir à l’étranger, a-t-elle autorisé Cevital à transférer des devises pour racheter les aciéries Lucchini?
Nous avons déposé un dossier à la Banque d’Algérie pour le projet italien et nous avons répondu strictement à toutes les exigences du règlement de la Banque d’Algérie.
Avez-vous reçu une réponse ?
Nous avons déposé la demande le 18 novembre et nous espérons obtenir une réponse incessamment. Il faut donner le temps nécessaire à la Banque d’Algérie pour étudier le dossier. Et nous sommes très confiants de recevoir une réponse favorable à notre demande.
Avez-vous pu transférer de l’argent pour vos précédents investissements en France ?
Nous n’avons pas sorti un seul dinar pour financer nos acquisitions réalisées en France (Oxxo et FagorBrandt). Nous avons financé ces acquisitions grâce à des partenaires français et internationaux qui ont accepté de nous accompagner dans ces projets. Nous sommes actuellement surendettés à l’international pour réaliser ces projets alors que nous avons des surliquidités en Algérie en devises et en dinars. Je rappelle aussi que nous avions des entreprises et des usines en France bien avant la création de Cevital en Algérie.
Est-il plus facile pour un entrepreneur algérien d’investir à l’étranger après le nouveau règlement de la Banque d’Algérie ?
Auparavant, le règlement en matière d’investissement à l’étranger était beaucoup plus souple mais il n’a pas pu être appliqué. Aujourd’hui, le règlement est un peu contraignant avec un avantage : il va être opérationnel. C’est un bon début.
Pourquoi votre groupe multiplie les acquisitions d’entreprises en Europe ?
Avec la crise actuelle en Europe, c’est une opportunité qui peut se présenter une fois par siècle. Ce n’est pas tous les jours que l’économie européenne est en crise. Et par ce fait justement, nous trouvons des facilités pour l’acquisition d’entreprises qui possèdent une très haute technologie et qui nous permettent non seulement d’acquérir cette technologie mais aussi de développer des emplois et nos activités en Algérie. S’il n’y avait pas une crise en Europe, les Européens ne nous vendraient pas leur savoir-faire, qu’ils ont accumulé pendant des siècles, pour tout l’argent du monde. Avec Brandt par exemple, nous avons bénéficié de 1300 brevets et quatre marques prestigieuses au niveau mondial et un réseau de distribution mondial.
Est-il plus facile aujourd’hui d’investir à l’étranger qu’en Algérie ?
Nous ne pouvons pas dire cela. Nous avons quatre usines en construction en Algérie. La première est une usine de fabrication de fenêtres double-vitrage qui va créer 3000 emplois. La deuxième est une usine d’électroménager qui va créer 7500 emplois. En deux ans, nous allons créer plus de 10.000 emplois en Algérie grâce aux acquisitions que nous avons faites récemment en France, avec en plus le savoir-faire et surtout un réseau de distribution. Nous allons avoir une très forte synergie qui va nous permettre de développer nos exportations. Et d’ici un an et demi, nous allons dégager plus d’un milliard cinq cents millions de dollars à l’export. L’usine d’électroménager de Sétif, Samha 2, va produire près de dix millions d’articles électroménagers par an dont 90% sont destinés à l’export. Et avec les aciéries de Lucchini, nous allons réaliser plusieurs usines dans le secteur de la mécanique (fabrication des pièces de rechanges par exemple). C’est comme ça qu’on peut développer l’industrie mécanique en Algérie, démultiplier le nombre d’emplois et avoir une base industrielle dans le secteur mécanique. C’est ce que veulent nos autorités. En moins de trois ans, nous allons doubler nos effectifs. Nous allons dépasser les 25 000 postes d’emplois en Algérie seulement. Et puis nous sommes, surtout, en train de préparer l’après-pétrole. Nous comptons développer d’avantage notre chiffre d’affaires à l’export.
Le Premier ministre Sellal est attendu demain à Paris pour le sommet franco-algérien. Quelles sont vos attentes ?
Je pense que c’est une excellente chose. Il faut réchauffer nos relations diplomatiques et économiques avec tous nos partenaires du nord de la Méditerranée et donc avec la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne et tous les autres pays européens… Il faut qu’on ait des partenariats d’exception avec tous ces pays. C’est dans l’intérêt de tout le monde.