La chronique de Hafid Derradji : le prochain président de l’Algérie

Hafid Derradji

Parmi les opposants de Bouteflika, nombreux sont ceux qui pensent aujourd’hui, que son règne était désastreux et complètement nul.  L’homme s’est accaparé le pouvoir et s’est servi des hommes et des institutions à sa guise. Il s’est « cramponné au fauteuil » de la présidence en dépit de son état de santé.

Ses opposants sont convaincus que la corruption et le pillage ont pris de l’ampleur plus que jamais sous son règne. Mais peu de personnes se rendent compte aujourd’hui, que la période de règne de Bouteflika ne fut pas aussi mauvaise et négative.  Elle a eu au moins l’avantage de nous ouvrir les yeux sur tous les aspects négatifs, les lacunes et les imperfections de notre pays.  C’est une période dont les conséquences sur l’Algérie de demain seront forcément positives ; tout comme sur le prochain président qui apprendra de cette expérience.  Ainsi, il ne commettra pas les mêmes erreurs et ne pratiquera pas l’exclusion et l’intolérance, érigés en politique d’État sous l’ère de Bouteflika.

Si les choses se passaient naturellement et loin des projets de succession clanique et des plans fomentés par les proches du président pour continuer à contrôler le destin de l’Algérie, le prochain président ne se basera plus sur sa légitimité révolutionnaire et historique, ni sur le pouvoir des hommes et de l’argent.  Des hommes dont le pouvoir et l’influence ont bien progressé ces dernières années.  Le prochain président bâtira son règne sur la légitimité populaire loin de toutes formes de tutelle et de tout ce qui contredit les principes de la démocratie et de la liberté de choisir.

Le prochain président sera au service du peuple et non son maître.  Il ne sera pas prétentieux et arrogant. Il ne s’accaparera pas le pouvoir avec sa famille et son  clan, car il aura appris la leçon.  Il aura compris que l’époque de l’homme providentiel est révolue et que les enfants de l’Algérie construiront leur pays sans exclusion.  Il n’aura pas besoin de s’entourer de flatteurs, d’admirateurs et d’opportunistes qui envahissent aujourd’hui, tous les secteurs.

Le prochain président usera de son intelligence et de sa perspicacité pour servir son peuple et son pays sur les plans national et international.  Ainsi, il aura le soutien du peuple et le respect de l’opposition pour sa compétence, son humilité, son dévouement et son efficacité et non pour sa tyrannie et sa ruse.

Le prochain président aura compris qu’un État est fort par la force de son opposition et la solidité et l’indépendance de ses institutions.  Il est fondé sur la justice, l’égalité, la liberté, la démocratie et la différence d’opinions.

Le prochain président ne dirigera pas le pays pour se venger de son peuple, de ses opposants et de tous ceux qui osent le contredire car il n’aura pas besoin de se venger de qui que ce soit.  Tout comme il n’aura pas besoin de régler ses comptes avec ses prédécesseurs car il sera conscient que les Algériens ont payé un lourd tribut dans leur lutte à travers l’histoire, et qu’ ils méritent tout l’amour et le respect.

Le prochain président ne se jouera pas de nous.  Il ne va pas nous promettre de transformer la ville de Mascara en une nouvelle Californie. Il ne nous promettra pas la fierté et la dignité, pour nous retrouver dans l’humiliation et la déchéance jusqu’à pousser nos enfants au suicide ou à la mort en haute mer.

Sous le règne du futur président, le nombre de candidats à l’exil n’atteindra pas le million comme c’est le cas depuis le début des années 2000, un chiffre que l’Algérie n’avait pas enregistré même pendant la crise sanglante des années 90.

Le prochain président sera le Président de tous les Algériens, sans exception.  Il ne travaillera pas pour les membres de sa famille et de son clan.  Ni pour les incompétents et les incapables.  Il fera appel à toutes les compétences nationales quelle que soit leur appartenance régionale.  Il réhabilitera les hommes et les femmes dans leur droit ainsi que les institutions pour que tous assument leurs responsabilités.  Il réhabilitera ceux qui ont subi l’injustice du régionalisme et du favoritisme exercés par des personnes qui vont jusqu’à monopoliser la nation et le nationalisme.

Le prochain président sera au-dessus de tout soupçon et ne couvrira pas les « spolieurs » et les incompétents.  Il ne pardonnera pas à ceux qui volent les richesses du pays.  Il ne gardera pas le silence face aux crimes et aux scandales économiques qui gangrènent l’économie du pays depuis plus d’une décennie sans que personne ne soit poursuivi par la justice.  Au point où le nom de l’Algérie est désormais associé à toutes formes de corruption dans les grands projets de transport, de travaux publics, d’agriculture, des hydrocarbures et autres secteurs…

Le prochain président ne révisera pas la Constitution à sa mesure et au gré de ses désirs pour s’offrir la pérennité au pouvoir et s’accaparer toutes les prérogatives transformant le Conseil constitutionnel, l’Assemblée populaire nationale et le Conseil de la nation en de simples chambres d’enregistrement et l’adoption des lois décidées à l’avance. Il ne manipulera pas les fonctionnaires, les nommant et les révoquant au gré des désirs des uns et des autres et suivant leur loyauté et non pas parce qu’ils ont manqué à leurs devoirs.

Le prochain président sera différent de tous ses prédécesseurs.  C’est un président qui nous laissera vivre et rêver d’une nouvelle Algérie où nous pourrons apprécier la liberté, la responsabilité et la justice sociale.

Aujourd’hui, le peuple a besoin d’un cœur qui le dirige et non d’un cerveau qui le contrôle et le manipule.  Ce jour-là, il comprendra que le règne de Bouteflika n’était pas complètement mauvais, sauf si le projet de succession familiale venait à se réaliser.  Un projet que certains planifient depuis un moment déjà, ou que lui-même a ordonné de planifier afin de pouvoir choisir son successeur parmi ses sbires car il a fait de nombreux mauvais choix qui ont mené à l’impasse politique et à l’échec social, économique et moral, dont nous payons aujourd’hui, le prix.


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