La chronique de Hafid Derradji : lettre d’un Algérien de l’étranger

Hafid Derradji

Le dernier aveu du gouvernement sur la nécessité de réhabiliter la capitale Alger et la tenue d’un mini-conseil interministériel pour tenter de sauver ce qui peut encore être sauvé dans une ville devenue invivable, est la preuve de l’état pitoyable de nos villes.

Une situation déplorable que nous vivons depuis des années en raison du laisser-aller et de la complaisance que nous dénonçons tous les jours dans nos écrits. Des écrits pour lesquels nous avons souvent été critiqués et même accusés de ne pas aimer notre patrie car nous ne citons, selon nos détracteurs, que les aspects négatifs de notre quotidien.

Mais quand c’est le gouvernement qui reconnait l’état de dégradation de notre cadre de vie et qu’il décide de prendre les mesures qui s’imposent pour y remédier, tout le monde adhère à son projet, applaudit sa décision et finit par reconnaitre, à son tour, cet état des choses.

J’ai consulté les archives des emails que je reçois régulièrement de personnes représentant toutes les catégories de la société et c’est ainsi que j’ai retrouvé cette lettre envoyée par un Algérien vivant à l’étranger. Ce Monsieur m’a livré son expérience après une visite en Algérie dans le courant de l’année 2014 et dans laquelle il a fait des observations que je souhaite partager avec mes lecteurs afin de mettre l’accent sur la conscience des enfants de l’Algérie qui a précédé celle des autorités. Mais malheureusement, nous n’écoutons que les voix hautes et fortes.

Je vous livre ici le contenu de sa lettre

Saha Hafidh,

« Algérien établi aux États-Unis, j’ai été en Algérie en printemps dernier. J’ai pu constater une sorte de démission de l’État, mais le peuple est resté digne, généreux et respectueux. J’ai également observé des situations contrastées entre certaines régions de l’Algérie. Étant né et ayant grandi à Alger, j’ai voyagé dans l’Ouest à la faveur de mon mariage avec une algérienne originaire de cette région. J’ai pu constater un développement important des routes à l’Ouest et une circulation plus fluide. Les gens étaient décontractés et vaquaient le plus normalement à leurs activités. Mais dès que je suis arrivé au Centre, j’ai senti les gens crispés, méfiants, déprimés. Il y avait une différence entre une région et une autre, mais une chose était plus ou moins constante : c’était la démission de l’État. Le parc zoologique de Ben Aknoun, les jardins publics et d’autres espaces publics étaient à l’abandon. Mais j’ai pu aussi constater un bond en avant du secteur privé qui connait un développement à grande vitesse.

Je pense que le développement du privé, comme en témoigne la disponibilité des produits de consommation et autres besoins de la population et le développement des moyens de communication, des routes, du secteur de l’alimentation en eau potable et l’électricité, va énormément booster le développement du pays. J’ai pu observer aussi que la concurrence est plus présente. La concurrence est un des gages du développement de l’Algérie et de l’amélioration des différents secteurs d’activités.

J’ai aussi constaté qu’il y avait deux Algérie : l’Algérie du secteur d’État qui, il faut le dire, s’est améliorée dans certains domaines (comme la remise des documents administratifs par les collectivités locales). L’Algérie du secteur privé connait, elle aussi, une effervescence féconde.

Je vis à Washington et je suis très bien. Cela dit, je pense que toutes les conditions de mon retour en Algérie sont réunies. Je planifie de revenir au pays l’année prochaine. Mon dernier séjour printanier de 40 jours était agréable à tel point que la tentation de m’y installer définitivement était grande. Le point noir, c’étaient les taxis, la circulation et la densité à Alger.

Mais l’observation qui me tient le plus à cœur a trait à une question psychologique. Je pense, sans aucun doute, que le problème majeur en Algérie n’est pas quantifiable. Le plus grand problème en Algérie c’est le sentiment négatif et l’esprit défaitiste qui anime beaucoup de gens. Ils ne positivent jamais. Allez dire à quelqu’un que vous avez un projet et vous voyez sa réaction. C’est très rare de trouver une personne qui va vous encourager. Ils deviennent jaloux même s’ils vous voient perdre du poids. Avec une mentalité pareille, il est très difficile d’arriver à l’excellence. On ne pense qu’au bricolage et on ne pense qu’à gérer les choses au jour le jour.

Ce qui fait la puissance des États-Unis, ça n’est pas la richesse ou le pouvoir militaire, c’est la mentalité des Américains qui sont extrêmement positifs et font montre d’un esprit de créativité. Cet esprit créatif existait en Algérie, mais on a anesthésié le peuple avec un système « d’acquis sociaux », qui poussent le peuple à devenir un peuple assisté. Il y a un grand changement en Algérie, parce qu’à l’heure de l’Internet, il y a une très forte pression de changement. Les gens sont en 2014 et l’État est toujours dans les années 70 ».


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