Sofiane Hesnaoui est le directeur général de Nissan Algérie. Il revient, dans cet entretien, sur l’affaire des clients lésés de Nissan qui ont acheté une voiture de la marque, mais n’ont jamais été livrés. Il explique que la responsabilité juridique incombe totalement à la Sarl Nord Motors, son ex-agent agréé.
Environ 70 personnes attendent depuis des mois la livraison de leur véhicule de marque Nissan qu’ils ont payés à 100% à votre ancien agent agrée…
Nous sommes confrontés à une situation un peu particulière. Notre ancien agent agréé, Sarl Nord Motors, a contracté des bons de commande avec certains clients. Ces derniers ont versé pour la plupart la totalité des montants de cette commande à différentes périodes en 2014. Après un certain nombre d’enquêtes internes, il s’est avéré que les commandes n’avaient pas été remontées en temps et en heure au sein de notre administration centrale suivant les clauses contractuelles qui nous lient avec cet agent. Alors qu’il y a obligation de les remonter dans les 48h. Mais ce qui est aussi surprenant, c’est que la SARL Nord Motors ne nous a remonté qu’un montant payé de 10% alors que les clients ont versé 100% du prix de la commande. Au bout d’un certain nombre de sanctions, nous avons décidé de retirer l’agrément le 1er juillet. Mais il s’est avéré que le nombre de clients concernés était plus important que ce que ce dont nous disposions comme information. Nous avons donc exigé de la SARL Nord Motors de nous transmettre par voie officielle l’ensemble des données, notamment la liste des clients concernés, leurs véritables coordonnées téléphoniques et la véracité de la commande et du versement. Cette information ne nous a été transmise que le 7 août. Alors, nous avons pu contacter les clients. Aujourd’hui nous avons une approche plus au moins sereine de cette situation, car nous avons des données plus ou moins justes.
Les clients sont-ils obligés de payer à l’avance leur véhicule ?
Vous avez d’abord un cadre élémentaire qui est le cahier des charges. Il est très clair. Il limite le dépôt à 10% du montant du véhicule pour la commande d’un véhicule sauf accord mutuel entre le client et le concessionnaire. Si vous commandez un véhicule spécifique pour une livraison sur une durée de 6 à 8 mois, cela peut s’expliquer. Mais dans la majorité des cas, il s’agit d’une avance limitée à 10% comme le précise le cadre réglementaire.
Comment se fait-il que vous ayez retiré l’agrément du concessionnaire Sarl Nord Motors alors que des commandes n’étaient pas encore livrées ?
Il faut prendre plusieurs éléments en considération. D’abord, on a un cadre contractuel qui lie Sarl Nissan Algérie à Sarl Nord Motors et qui prend en compte un certain nombre d’obligations. Un nombre de clauses n’a pas été respecté par la SARL Nord Motors. Nous avons adressé des lettres de relance, d’avertissement et de sanction mais malheureusement ces lettres sont restées sans écho. Deuxième élément : c’est la réglementation. Nous avons une obligation qui nous contraint à prendre un certain nombre de sanctions à l’encontre de tout intermédiaire agréé. Dès lors que la législation n’est pas respectée, nous avons obligation de la part du ministère de l’Industrie de retirer l’agrément de cet intermédiaire. Cela étant, le retrait de l’agrément de la SARL Nord Motors n’enlève en rien ni ses obligations contractuelles passées ni nos obligations vis-à-vis d’elle. L’agent agréé reste redevable et comptable aussi bien vis-à-vis de la loi que vis-à-vis de nos conditions contractuelles et de la Sarl Nissan Algérie. Il reste, bien entendu, redevable vis-à-vis de toute commande passée dans le cadre réglementaire.
Autre chose, si nous n’avions pas retiré l’agrément, nous aurions été en porte-à-faux vis-à-vis de la réglementation et nous aurions exposé à des risques supplémentaires d’autres clients potentiels. Il eut été difficile pour nous que d’autres clients soient lésés. Nous avons dû faire face à nos responsabilités.
Allez-vous prendre en charge ce problème ?
Ce qui est important, c’est que vous avez une situation juridique spécifique qui lie un client avec une entité commerciale qui est la SARL Nord Motors. Un bon de commande au nom de Nord Motors a été signé avec un client qui lui a apporté un montant correspondant à une commande. Nissan Algérie n’a aucun lien juridique avec le client. Cela étant, nous avons une conscience morale et nous sommes concernés par la situation que vivent les clients, c’est la raison pour laquelle nous avons entamé, depuis deux mois déjà, des discussions avec Nord Motors afin de trouver des solutions. Nous avons fait un ensemble de propositions. Nous avons proposé de transférer la dette que pouvait avoir Nord Motors vers Nissan Algérie. Pour que Nissan assume cette dette financière, nous demandons en contrepartie une garantie ainsi que la vérification de la véracité de certains documents pour enfin livrer les clients. Pour faire preuve de notre implication, nous avons bloqué et réservé la totalité des véhicules des clients. Nous avons aussi reçu un certain nombre de clients avec qui nous avons discuté afin de les tenir au courant des évolutions des discutions avec Nord Motors. Actuellement, nous sommes dans l’attente de la validation des garanties fournies par notre ex-agent. Dès lors que la garantie nous sera donnée, nous ferons face à nos engagements.
Quelle solution concrète proposez-vous à ces clients ? Vont-ils avoir leurs véhicules ?
C’est à la SARL Nord Motors de proposer une solution concrète. C’est sa responsabilité juridique. Nous jouons un rôle de médiateur comme je vous l’ai déjà expliqué.
Vous avez signé un protocole d’accord où vous vous êtes engagé à livrer les clients si Nord Motors fournissait une reconnaissance de dette et un contrat de bail. Ce qui a été réalisé selon le témoignage des clients. Pourquoi n’avez-vous pas tenu vos engagements ?
Effectivement, un document entre Sarl Nord Motors et Sarl Nissan Algérie a été partagé. Nous nous engageons, dans le document, à un transfert de dette et à livrer le client dès que les garanties seront remplies. Mais je dois d’abord m’assurer que le bien immobilier donné comme garantie soit leur propriété et qu’il n’y ait aucune procédure conservatoire sur lui.
Désormais, pouvons-nous faire confiance à un agent agréé Nissan ?
Nous avons travaillé à supporter le ministère de l’Industrie dans la moralisation de notre métier avec notamment ce fameux cahier des charges qui encadre notre profession. Nous avons travaillé avec eux depuis des mois sur une nouvelle mouture du cahier des charges qui permettrait de mieux encadrer un certain nombre de choses, notamment la relation commerciale qui lie l’agent agréé au client. Mais le risque zéro n’existe pas. Au-delà du risque zéro, dans toute relation contractuelle, nous avons des droits et obligations de l’ensemble des parties.
Quels messages adressez-vous à vos futurs clients ?
Le message est très clair. Dans cette situation, Nissan a assumé ses responsabilités réglementaires, d’une part. D’autre part, nous avons voulu assumer des responsabilités morales en nous positionnant en médiateur pour trouver une solution. Nissan Algérie existe depuis 21 ans et elle n’a jamais été confrontée à des conflits de ce genre. Le client doit faire preuve de vigilance comme dans chaque transaction commerciale. Il faut s’assurer que son vis-à-vis est fiable.