La chronique de Hafid Derradji : quand nos problèmes se compliquent

Par le passé, nous souffrions de problèmes dont pouvait souffrir tout pays dans le monde tels que le manque de ressources, le chômage, le logement la fuite des cerveaux et le terrorisme. Par la suite, c’étaient les problèmes liés à la politique, à la sécurité et à la morale, et ce de façon temporaire et conjoncturelle. On faisait aussi face, comme n’importe quel pays, à des problèmes économiques et sociaux ordinaires que nous avons dépassés à chaque fois.

Mais le temps passant, ces problèmes se sont transformés en véritables crises qui se sont installées dans le quotidien, alors que nos ressources matérielles, humaines et naturelles se sont multipliées. Des crises qui peuvent aller de la simple pénurie de pain et de lait chaque matin, jusqu’au chômage technique, la crise dans la distribution des logements et les déséquilibres politiques, sécuritaire, économique, sociaux et même d’ordre éthique et déontologique. Des crises qui menacent la stabilité de la société et les équilibres que nous nous sommes efforcés de préserver jusque-là.

L’impasse politique et la léthargie qui règnent depuis la dernière élection présidentielle sont à la tête des malheurs auxquels nous faisons face compte tenu de l’exclusion dont souffrent les partis politiques, les associations et toute la classe politique. Pourtant, ce sont là des intervenants qui réalisent l’ampleur de la crise et qui tentent de prendre des initiatives qui auraient dû être prises en compte par les autorités afin de dépasser les déséquilibres qui nous empêchent d’avancer et pour impliquer davantage la classe politique et les personnalités nationales compétentes dans la gestion de ce fardeau de crises que nous portons depuis des décennies.

Les challenges sécuritaires sur les frontières libyenne et tunisienne sont énormes. Mais pas que la crise interne à Ghardaïa ne fait que s’envenimer, alors que nous sommes incapables d’en comprendre les tenants et aboutissants et que les autorités sont inaptes à remédier à cette situation ambiguë et incompréhensible. C’est à croire que c’est un processus délibéré visant à faire perdurer le conflit entre la population d’une même ville, un conflit qui risque pourtant d’avoir des retombées sur la jeune génération qui est aujourd’hui témoin d’une crise sans précédent.

L’absence du Président de la scène des événements, et la présence perceptible des opportunistes et des profiteurs, se sont transformées en crise politique majeure en Algérie et ont conduit à un vide institutionnel que nul ne peut cacher. Un vide qui laisse la voie libre aux escrocs et aux détenteurs de l’argent afin de gérer les affaires de l’État comme bon leur semble. Sans oublier l’absence de l’Algérie sur la scène internationale.

Par ailleurs, et en interne, le pillage se généralise, les valeurs et la morale se perdent et la confiance dans les différentes institutions de l’État n’existe plus. Ceci ne prédit hélas de rien de bon pour l’avenir de l’Algérie.

La crise de la médiocrité s’est répandue à tous les niveaux et dans tous les domaines de la vie. Dans les médias, la politique et la culture en raison du régionalisme promulgué en politique d’État ; de l’exclusion croissante pratiquée contre les compétences qui se retrouvent la proie des forces du mal.

C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés face à un discours politique dépassé et un vide culturel effrayant ; des médias publics et privés qui pratiquent le chantage politique et financier en s’éloignant tous les jours un peu plus de leur mission véritable. Rien d’étonnant en l’absence d’une stratégie nationale médiatique et culturelle.

La crise intellectuelle grandit tous les jours en raison de l’absence d’un projet de société convenable et d’une stratégie nationale pour corriger les déséquilibres qui existent dans le pays et d’une vision claire pour l’avenir qu’on veut pour l’Algérie de demain.

Une Algérie qui fait aujourd’hui face à de multiples défis d’ordre politique, sécuritaire, économique et intellectuel que nous sommes encore incapables de cerner et de résoudre, car ni la volonté politique ni les compétences ne sont là pour le faire. Sans oublier l’absence d’une culture de l’État et de médias libres et professionnels, d’une justice sociale et d’un développement économique réel et entier.

Mais notre plus grande crise reste la prédominance du pouvoir de l’argent. Un pouvoir qui peut limoger un ministre de l’Intérieur de la taille de Daho Ould Kablia parce qu’il a dit « non ». Un pouvoir qui peut mettre fin aux fonctions du P-DG de Sonatrach parce que lui aussi a osé dire « non ». Un pouvoir qui nomme et révoque des responsables à des postes de haut niveau de l’État afin de s’emparer de ce qui reste des ressources de ce pays au vu et au su de tous.

Vient s’ajouter à cela la crise de valeurs qui touche tous les secteurs et tous les milieux. Cette crise où  des âmes malades, sans valeurs ni principes, se livrent des batailles pour plus d’influence et d’argent en reléguant les intérêts de la Nation et du peuple au second plan.

La crise de l’Algérie s’est transformée en crises au pluriel, car nous sommes encore prisonniers de notre  individualisme et que nous n’avons ni le courage ni l’audace de faire face à nos problèmes les plus simples. Par conséquent, on les laisse se multiplier et s’incruster en répétant les mêmes erreurs et en laissant se propager le ressentiment et l’exclusion par des gens qui croient être l’Algérie, car convaincus que sans eux le pays s’effondrerait et le peuple pourrait mourir de faim.

derradjih@gmail.com


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici