Vu de Paris : le match France – Algérie a bien eu lieu

Bien sûr, il y a eu les déclarations de plusieurs ministres du gouvernement Valls parmi lesquels Arnaud Montebourg qui revendiquait ses origines algériennes, ou bien celles de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti qui excipait de sa proximité avec l’Algérie pour soutenir les Verts à la veille du match de football contre l’Allemagne. Bien entendu, le président Hollande a, lui aussi, gardé des souvenirs émus de son stage d’étudiant à Alger et témoigné de sa proximité avec Abdelaziz Bouteflika quand celui-ci était hospitalisé à Paris. Assurément, le gouvernement français actuel est algérophile au possible. On pourrait même dire algérophile comme jamais alors qu’il est actuellement en froid avec Rabat et que les vases communicants de la relation France-Maghreb sont ainsi conçus qu’on ne peut à la fois avoir des faveurs pour Algérie et pour le Maroc au même moment.

Symboliquement, même le président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, souhaitait un match France – Algérie comme ultime symbole fraternel entre les deux pays lors du quart de final de Coupe du monde.

En réalité, ce match n’aura pas eu lieu sur le terrain et c’est un soulagement pour de nombreux responsables français qui, à mots couverts, n’auraient pas aimé régenter la sécurité en France dans cet affrontement quasi fratricide. Car il faut le dire, les relations sportives entre les deux pays sont parfois mortifères. On se souvient que le seul match de football officiel entre l’Algérie et la France avait donné lieu, en 2001, à une Marseillaise sifflée dans une enceinte française, un envahissement du terrain et un match interrompu avant la fin de la partie. Depuis, la réputation des supporteurs algériens confine, à tort ou à raison, en France à des complaisances avec le hooliganisme, jadis une spécialité d’extrême-droite que les autorités françaises ont petit à petit réussi à résorber.

Depuis, les petits blancs, intoxiqués aux propos du Front national et de l’ultra droite qui interdit les drapeaux étrangers à Nice, tentent de façonner l’opinion publique au moindre dérapage ou simple fait divers. L’extrême-droite feint d’oublier que le ballon rond a toujours charrié son lot d’extrémismes et de violence. Et il aurait bien fallu, pour dégonfler l’atmosphère anti-algérienne en France, autre chose que les propos du Premier ministre Manuel Valls, lequel, reconnaissait que « des actes insupportables » avaient eu lieu après Algérie – Russie. Une parole plus apaisante aurait été plus sage alors même qu’en France, en ce moment, malgré la gauche au pouvoir, ce sont bien les thèmes de l’extrême-droite qui guident l’agenda médiatique.

Marine Le Pen a pu ainsi demander l’abrogation de la double nationalité au motif que des casseurs dans la foulée des pacifiques supporteurs de l’Algérie s’étaient fait remarquer. Dans cette affaire, il faut aussi le dire, il y avait pour la droite, l’extrême-droite et une partie de la population, l’insupportable soupçon d’une cinquième colonne de supporteurs algériens, mauvais Français et en arrière-plan, l’idée folle de supporteurs-combattants anti-français. Comme toujours dans l’histoire, l’extrême et l’ultra-droite ne savent que dresser les populations les unes contre les autres. C’est là la marque de fabrique de ces familles politiques qui prônent l’affrontement entre les hommes plutôt que de les relier par ce qui les unit.

L’écrivain et journaliste algérien Salah Guemriche, dans le quotidien Le Monde, est revenu sur ce France – Algérie, cette partie « qu’elle se déroule ici ou ailleurs, qu’elle se conclut par une victoire ou par une défaite, connaît fatalement en France ses prolongations dans les centres urbains où tous les coups sont permis… »

Salah Guemriche, dans son article parfaitement mesuré, rappelait dans un dernier mot que « réduire les binationaux aux seuls sauvageons, c’est faire l’impasse sur cette autre composante de Français issus de l’immigration, qui, sans visibilité médiatique, s’illustrent en grand nombre dans tous les domaines, dans tous les rouages de l’État et des entreprises non plus en tant qu’exécutants mais en tant que dirigeants, gestionnaires ou créateurs. Toute une forêt, en somme, que cache l’arbre formé par ces égarés en mal de reconnaissance, cette « Françalgérie » de laissés-pour-compte qui n’auront pas eu la chance de croiser sur leur chemin un Albert Camus pour leur enseigner les vertus du sport collectif, un fils de Belcourt pour leur dire : « Le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités ».


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici