Autoroute Est-Ouest : le prix de l’incompétence

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L’Agence nationale des autoroutes (ANA) a enclenché, jeudi 12 juin, le compte à rebours pour la résiliation du contrat de réalisation du tronçon est de l’autoroute Est-Ouest avec le groupement japonais Cojaal. Lancé en 2006, le projet de réalisation de l’autoroute algérienne s’enlise, ainsi, dans les problèmes. La livraison totale n’est pas pour demain.

Pourtant, les travaux devaient durer tout juste 40 mois pour un coût de plus de 12 milliards de dollars. Mais si le groupement chinois Citic-CRCC a livré sa partie (les tronçons centre et ouest), souvent avec une qualité médiocre et d’importants surcoûts, les Algériens devront attendre, encore des années, pour prendre l’autoroute sans interruption, de l’extrême-est jusqu’à la frontière avec le Maroc. Pourquoi ?

Trois facteurs sont derrière cette débâcle : bureaucratie, corruption et incompétence. Qualifié de projet du siècle lors de son lancement par l’ex-ministre des Travaux publics Amar Ghoul, l’autoroute Est-Ouest, s’est rapidement transformée en scandale du siècle. Le projet a révélé l’étendue de la corruption en Algérie et l’incapacité de l’Algérie à gérer des projets importants.

Après avoir été sevrée de budget d’équipement durant la décennie des années 1990, l’administration algérienne des travaux publics s’est retrouvée, du jour au lendemain, à gérer des milliards de dollars sans que la ressource humaine ne soit renforcée en parallèle. La même administration qui gérait à peine quelques dizaines de millions de dollars à la fin des années 1990 s’est vu confier des enveloppes de plusieurs dizaines de milliards de dollars, sans lui fournir les moyens humains nécessaires.

Au lieu de s’appuyer sur des organismes reconnus comme la Banque mondiale pour lancer et gérer ces projets, le gouvernement a préféré de confier le projet à un ministre populiste qui a fait du ministère des Travaux publics une annexe de son parti de l’époque, le MSP. Amar Ghoul a aggravé les choses en choisissant de s’entourer de militants de son parti au lieu de s’appuyer sur des techniciens compétents. Sa première erreur a été de lancer le projet sans une étude approfondie pour déterminer les coûts avec exactitude, ce qui a ouvert une brèche béante ou se sont engouffrés les réseaux mafieux liés à la corruption.

En 2010, l’éclatement du scandale de corruption autour du projet a révélé l’implication de hauts fonctionnaires et des hauts gradés de l’armée ainsi que des intermédiaires liés à d’autres affaires de corruption, à l’image du célèbre Chani Medjdoub, actuellement en prison. A ces dysfonctionnements techniques s’ajoutent le cynisme d’un ministre. Lors de ses visites sur le terrain, Amar Ghoul ordonnait pêle-mêle, des travaux supplémentaires, un peu partout, sans aucune étude. Il annonçait à chaque fois une date de livraison du projet, avant de se démentir quelques mois plus tard. A aucun moment, le ministre n’a été rappelé à l’ordre ou sanctionné par le Président. Bien au contraire, il a été promu aux Transports.

Le projet a également souffert de l’inertie de Sonelgaz, Algérie Télécom, l’Algérienne des eaux, devenus célèbres pour leur lenteur lorsqu’il s’agit de déplacer des réseaux pour permettre aux entreprises de réalisation de travailler. Ce qui naturellement retarde énormément l’avancement des travaux et provoque des surcoûts. L’expropriation des terrains traversés par l’autoroute n’a pas été prise convenablement en charge, aggravant la situation.

Le 20 août 2009, alors qu’Amar Ghoul promettait l’autoroute pour la fin de l’année, TSA révélait que le projet ne sera pas livré avant 2013. Notre information se basait sur un rapport transmis à la présidence de la République. Aujourd’hui, la question est de savoir pourquoi tout le monde a laissé faire Amar Ghoul, alors qu’on savait depuis au moins cinq ans que le projet était mal géré et qu’il allait se transformer en gouffre financier pour l’Algérie.


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