La chronique de Hafid Derradji : tremblement de terre à Genève avec des répliques à Paris

L’envahissement du terrain par les supporters algériens à Genève à l’occasion du match amical de préparation de l’Équipe nationale algérienne face à la Roumanie a suscité de nombreuses réactions ici et ailleurs.  Une telle attitude nous interpelle et suscite de multiples interrogations, d’autant plus que les supporters algériens n’en sont pas à leur premier forfait.  En effet, ce genre de comportement de la part des supporters de l’équipe algérienne en Europe se répète  à chaque nouvelle sortie de l’équipe.  Et malgré les mesures de sécurité rigoureuses et les appels des organisateurs au public algérien de se conformer pleinement aux règles et aux lois européennes, rien n’y fait.

Certains Algériens pourraient comprendre la réaction des supporters algériens.  On pourrait tenter de l’expliquer par la nostalgie et l’attachement à la patrie, ainsi que par la fierté éprouvée à l’égard de l’équipe de leur pays principalement composée de joueurs issus de l’immigration comme eux.

En revanche, de nombreux Européens s’étonnent de les voir agir ainsi.  Ils ignorent leur motivation et leurs raisons et ne voient aucune justification à de tels actes en dehors des frontières.  Des comportements qui ont des répercussions fâcheuses allant jusqu’à arrêter le match.  Sans oublier le tort causé à la vie des gens et à l’ordre public.

Par ailleurs, les conséquences touchent toute la communauté algérienne à l’étranger et attirent les regards sur elle.  Notre équipe est interdite de jeu dans les stades européens et l’image de l’Algérie est ternie auprès de l’opinion publique internationale,  alors qu’elle n’était déjà pas très reluisante par le passé pour des raisons historiques, politiques, culturelles et sociales.

Envahir le terrain à chaque fois que se joue un match de football et occuper les places publiques en grand nombre est déplorable de la part de la communauté algérienne établie à l’étranger. D’autant  plus déplorable, qu’elle est consciente que tous les yeux sont braqués sur elle pour profiter du moindre de ses petits pas et lui coller l’image du désordre, de la violence et des troubles à l’ordre public.  Un discours que l’extrême-droite française a bien exploité pour appeler les autorités françaises à interdire les défilés des Algériens dans les villes françaises au cours de la Coupe du monde, déclenchant ainsi une autre polémique sur l’incapacité des immigrés à s’intégrer et à s’adapter aux exigences de la vie moderne dans les sociétés qui les accueillent, et leur manque d’engagement à respecter les lois, les coutumes et l’ordre public de leurs pays de résidence.

Il est vrai que l’attitude des supporters algériens lors du match face à Roumanie était inacceptable.  Les autorités suisses ont le droit de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité publique et la protection des personnes et des biens. Tout comme les Français ont raison d’agir de même sur leur sol et d’imposer et d’exiger que tout le monde respecte les lois.  Nous pouvons même comprendre leur décision d’interdire à l’équipe nationale algérienne de  jouer dans des stades européens.  Cependant, l’exploitation politique, qui exige d’imposer un couvre-feu aux supporters algériens et de les empêcher de défiler dans les villes françaises lors du Mondial, est extrêmement exagérée et aberrante.  C’est une provocation à l’égard de la communauté algérienne qui risque de produire plus de mécontentement en raison de l’exploitation politique de chaque incident de ce type.

La communauté immigrée exagère l’expression de son sentiment d’appartenance à son pays et sa fierté de voir son équipe nationale gagner en envahissant le terrain et en défilant dans les rues pendant des heures.  Et l’extrême-droite française surexploite l’incident du stade de Genève pour créer plus d’hostilité envers les immigrés en appelant à ce qu’ils soient traités avec fermeté, en les empêchant de s’attrouper et en interdisant à l’Équipe nationale de jouer en France.  Malheureusement, ceci ne fera que creuser encore plus le fossé qui existe déjà entre les deux communautés et aggravera les problèmes des immigrés qui souffrent déjà de l’amertume de l’exil et de la difficulté à s’intégrer. Maintenant, on veut leur interdire d’exprimer leurs émotions dans les stades de football au risque de les exploiter contre eux.

Exprimer sa joie de voir son équipe gagner est un trouble à l’ordre public avec préméditation.  Aujourd’hui, nos jeunes algériens de l’étranger ne sont plus en mesure de  cacher leur appartenance et leurs sentiments.  Mais quand ils s’expriment, c’est pour faire trembler la terre autour d’eux avec des répercussions dans toute l’Europe.  Une Europe où l’état d’alerte est annoncé dès que l’équipe algérienne et ses supporters sont là, c’est, alors la panique et la peur.  En revanche, ce qui n’est pas normal, c’est de voir les politiciens se mobiliser contre ces  jeunes lors des échéances électorales et lorsque celles-ci sont terminées on les oublie, même lorsqu’il s’agit de comportements racistes dont ils souffrent en permanence.


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