Entretien avec Issad Rebrab, P-DG de Cevital : « Je suis en train de construire et de créer des emplois, pourquoi on me bloque ? »

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Avez-vous menacé de délocaliser des projets à l’étranger ?

Lors d’un forum organisé par MDI sur l’entreprise familiale, un journaliste d’El Watan m’avait posé une question sur l’évolution de nos projets que nous souhaitons réaliser en Algérie. J’ai répondu que nous avons lancé quatre projets qui ont été agréés par l’État. Il s’agit du projet de fenêtres à double-vitrage à Bordj Bou Arreridj, générateur de 3 000 emplois, d’une cimenterie à Constantine, de la deuxième ligne de production de verre plat et d’un projet de fabrication de produits électroménagers à Sétif qui va créer 7 500 emplois.

J’ai ajouté que nous avons, par contre, trois grands projets sur lesquels nous n’avons pas eu de suites. Parmi eux, le projet de trituration de graines oléagineuses qui a été déposé depuis plus de dix ans. Nous avons également un projet de pétrochimie qui pourrait, à lui seul, créer près de 3 000 PME-PMI et engendrer près de 600 000 à 900 000 emplois et un projet dans le domaine de la sidérurgie.

Le projet de trituration de graines oléagineuses, par exemple, pourrait faire passer le pays du stade d’importateur à celui d’exportateur. Il pourrait non seulement satisfaire 100% des besoins du marché national, mais aussi dégager près de 1,5 milliard de dollars d’exportations par an. Actuellement, l’Algérie importe 100% de tourteaux de soja et ses huiles brutes végétales. Le projet a été déposé au Conseil national des investissements. Et la seule condition suspensive à l’agrément était une étude d’impact sur l’environnement. Celle-ci a été réalisée deux fois et approuvée par toutes les autorités. Malgré ça, le projet reste toujours sans réponse.

Il ne s’agit donc pas de délocalisation ?

Nous n’avons absolument aucune intention de délocaliser quoi que ce soit. Le journaliste d’El Watan a très bien rapporté mes propos. Mais je suis vraiment étonné de voir d’autres journalistes, à qui je n’ai pas accordé d’interviews, déformer complètement mes propos et je ne sais pas dans quel but. Ils disent que M. Rebrab menace. Je n’ai jamais menacé quiconque et pourquoi le ferai-je ? Je dis que nous avons, aujourd’hui, les moyens nécessaires pour réaliser des projets en priorité dans notre pays. Mais dans le cas où nous n’obtiendrons pas les autorisations nécessaires, nous les réaliserons ailleurs. Nous sommes un groupe industriel qui veut se développer et contribuer au développement de notre pays. Nous voulons que Cevital continue à se développer en Algérie d’abord, puis à l’international.

Encore une fois, pour certains de nos projets, nous attendons une réponse depuis près de dix ans. Nous avons dépensé beaucoup d’argent pour les études de ces projets. Dans le même temps, d’autres pays nous ont sollicités pour investir. Je viens de revenir du Gabon où j’ai rencontré le Président avec son Premier ministre et ses ministres de l’Industrie et de l’Agriculture. Ils nous ont demandé d’investir dans leur pays pour créer de l’emploi. Ils nous ont affirmé qu’ils étaient disposés à mettre à notre disposition des terres agricoles et des matières premières pour la pétrochimie.

J’ai également rencontré le Premier ministre de la Guinée équatoriale qui est intéressé par des projets de pétrochimie. Ce sont des pays producteurs de gaz naturel et de pétrole qui sont intéressés pour des projets créateurs d’emplois dans leurs pays. Concernant le projet dans la sidérurgie, nous avons aussi une opportunité  au nord de la Méditerranée dans le cas où nous n’arriverions pas à le réaliser en Algérie.

En France ?

Oui. La France exporte 8,5 millions de tonnes de déchets de ferrailles. Nous pourrons avoir donc accès à ces matières premières et rentabiliser ce projet. L’Afrique et le Moyen-Orient importent 28 millions de tonnes de produits sidérurgiques.

Pourquoi ces trois projets sont-ils toujours bloqués ?

Nous n’avons pas de réponse. C’est pour cela que j’ai dit, dans ma déclaration à El Watan, que j’étais très content qu’un grand professionnel soit nommé à la tête du ministère de l’Industrie. M. Bouchouareb a déjà été ministre de l’Industrie et  il a surtout été un ancien entrepreneur. Donc quelqu’un qui comprend ce qu’est l’entreprise et les problèmes qui se posent au sein de l’entreprise.

Je dis également que si M. Bouchouareb ne fait rien pour l’industrie, je perdrai complètement tout espoir concernant le développement industriel en Algérie. Je l’ai  contacté, il m’avait dit qu’il n’y avait absolument aucun problème et qu’il fera tout pour relancer le secteur industriel en Algérie.

Cela dit, j’ai cherché à comprendre les raisons du blocage. J’ai fait mon enquête. Et il était vraiment triste de découvrir que certains confrères (entrepreneurs, NDLR) intoxiquent certains décideurs en leur rapportant des propos déformés. Des confrères qui sont très proches de certains décideurs. Et certains de ces confrères justement sont membres du Forum des chefs d’entreprise que j’ai finalement décidé de quitter.

Vous voulez parler du patron de l’ETRHB, Ali Hadad ?

Vous n’avez qu’à deviner. Vous savez qui sont très proches des décideurs parmi les chefs d’entreprise. J’ai décidé de ne plus renouveler mon adhésion au FCE, car je ne pouvais pas m’asseoir à la même table que ces gens-là. Des gens que j’ai aidés. C’est ce qui m’a fait très mal.

Avez-vous informé le président du FCE de votre décision ?

J’ai reçu une lettre pour payer mes cotisations annuelles. Hier matin, j’ai envoyé une lettre, très simple, de deux lignes, pour informer le président du FCE que je ne faisais plus partie de l’organisation mais sans donner aucune raison. Et à mon grand étonnement, j’ai appris dans l’après-midi du jour même que l’information était déjà arrivée à certains décideurs au niveau de l’État, mais déformée. Je ne peux rester et m’asseoir avec des confrères qui, au lieu d’essayer de travailler à promouvoir l’économie nationale, ils tentent d’avoir des faveurs en enfonçant leurs confrères.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le patronat ?

Au sein du FCE, les membres étaient auparavant solidaires entre eux et défendaient les mêmes idéaux. Mais l’organisation a été prise en otage par certaines personnes et qui en font leur propre instrument. Si c’était pour aider le pays, il n’y aurait eu absolument aucun problème. En réalité, je n’ai aucun problème avec le pouvoir. Je ne vois pas quel problème je pourrais avoir avec lui, car je suis en train de construire et de créer des emplois. Alors, pourquoi on me bloque ? Probablement parce qu’il y a des gens qui rapportent à certains décideurs des propos malveillants pour bénéficier de leurs bonnes grâces. Je ne peux pas l’expliquer autrement !


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