Racisme en France : entretien avec Bariza Khiari, vice-présidente du Sénat français

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Bariza Khiari, d’origine algérienne, est première vice-présidente du Sénat français. Membre du Parti socialiste (PS), elle parle dans cet entretien de l’affaire Kedadouche et du problème de racisme en France.

L’affaire Zaïr Kedadouche a suscité une vive polémique en France…

Je ne suis pas au courant des faits concernant ce dossier. Donc je refuse de me prononcer sur ce cas précis. Je sais que M. Kedadouche est allé loin dans la dénonciation. Il a donné son dossier aux défenseurs des droits avant de porter plainte auprès du procureur de la République. Je ne mets pas du tout en doute son sentiment d’humiliation. Mais sur quels faits ses accusations sont-elles basées ? Que s’est-il exactement passé avec lui ? Il faut qu’il nous le dise. Ce que je peux vous dire également et vous affirmer, c’est que  le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius est quelqu’un qui regarde les compétences des gens. Et ces compétences, pour lui, effacent l’appartenance. Laurent Fabius m’a soutenue au Parti socialiste alors que je suis une Française musulmane d’origine algérienne. Et je sais que je ne serais pas aujourd’hui première vice-présidente du Sénat si Laurent Fabius ne m’avait pas accordé son soutien et sa confiance. Je ne peux pas imaginer une seconde qu’il soit impliqué dans ce genre d’affaire.

N’y a-t-il pas une réelle montée du racisme en France ?

Bien sûr ! Nicolas Sarkozy a distillé dans le corps de la nation française une islamophobie d’État. Il a été ministre de l’Intérieur puis président de la République. Au bout de dix ans, les choses commencent à s’imprimer dans la tête des gens. Il faut se souvenir  des réunions sur la question de l’identité nationale dont les préfets étaient chargés et les débats sur le hallal, la burqa, les rencontres sur la laïcité versus islam. D’ailleurs, c’est peut-être pour cette raison que Nicolas Sakrozy a perdu l’élection présidentielle de 2012. Les musulmans de France n’ont pas voté pour François Hollande mais contre Nicolas Sarkozy.

Avez-vous déjà subi des discriminations dans votre carrière professionnelle ?

Je pense qu’à un moment les compétences comptent plus qu’autre chose. Je suis d’origine algérienne, farouchement républicaine et sereinement musulmane. J’ai été élue, par mes pairs, première vice-présidente du Sénat français. Et personnellement, je n’ai  jamais subi de discriminations dans la fonction publique. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas. Mais dans la politique, j’en ai fait l’expérience. Au sein du parti, on m’avait traitée de gauche tajine. J’ai saisi à l’époque la commission des conflits et les personnes concernées ont été exclues du parti.

En général, ce sont des énarques qui ne souhaitent pas la diversité et je ne parle pas seulement de la diversité ethnique. Il s’agit également de la diversité des écoles. C’est une caste qui est un grand corps malade et qu’on retrouve dans toutes les institutions de l’État français. Et quand on se heurte à elle, c’est compliqué. Mais nos compatriotes français ne sont pas racistes. Je pense qu’il y a un problème de conservatisme qui se pose en période de crise. Quand les recruteurs embauchent par exemple des profils qu’ils connaissent pour ne pas prendre le risque. Même si les jeunes issus de la diversité sont très dynamiques et ont envie de réussir. Les futurs patrons du CAC 40 sont dans les quartiers. Ce sont des gens très créatifs qui évoluent dans une société conservatrice

Que fait la gauche pour remédier à ce problème ?

Rien ! Les promesses n’ont pas été tenues. La gauche avait promis par exemple le droit de vote pour tous, des mesures concernant les contrôles au faciès, des politiques publiques de lutte contre les discriminations, des nominations selon les compétences. Aucune promesse n’a été tenue. Je suis socialiste et je l’ai écrit.

Pourquoi n’a-t-elle pas tenu ses promesses selon vous ?

La gauche s’est occupée de problèmes sociétaux comme le mariage pour tous par exemple. Visiblement, François Hollande a fait le choix de s’occuper d’une chose mais pas de l’autre. Honnêtement, je ne lui reprocherai  jamais d’échouer mais je lui reproche le fait de n’avoir pas essayé. Les musulmans ont sanctionné la gauche aux élections municipales.

Y aura-t-il une commission parlementaire sur le cas Kedadouche ?

On ne fait pas de commission pour un cas. Les cas se traitent au tribunal. Si M. kedadouche a des éléments et des faits à démontrer, c’est le tribunal qui va décider s’il a été victime de discrimination ou pas. Encore une fois, dans l’affaire Kedadouche, c’est important de connaître les faits. Et pour le moment, il les a réservés pour la justice et son avocat.

 


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