Entretien avec le président de la LADDH, Nourredine Benissad : « Il y a une duplicité dans le discours officiel »

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Nourredine Benissad est le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH). Dans cet entretien, il condamne la répression des marches du 20 avril en Kabylie et appelle le pouvoir à entamer de véritables réformes économiques, sociales et politiques.

La police a réprimé la marche du 20 avril à Tizi Ouzou. Comment l’expliquez-vous ?

Cela fait partie de la logique d’un système autoritaire qui ne permet pas la libre expression et l’exercice des libertés. Il y a une duplicité dans le discours officiel. Un discours qui consiste à dire : « nous respectons les droits de l’Homme en Algérie », alors que des manifestations pacifiques organisées pour exprimer une opinion sont réprimées de manière incompréhensible et inadmissible. C’est une atteinte à la liberté d’expression et de manifestation, puisque la Constitution garantit ces libertés et l’Algérie a signé la plupart des conventions relatives aux droits de l’Homme qui permettent l’exercice de ces libertés.

Cette répression est intervenue au lendemain de l’élection présidentielle. Y a-t-il un lien ?

Je ne vois pas de lien avec l’élection présidentielle. Je pense qu’il s’agit plutôt de réflexes traditionnels d’un système autoritaire où rien n’est garanti. Donc on peut passer d’une extrémité à une autre. Cela étant dit, je ne comprends pas pourquoi ces manifestations ont été réprimées et en tant que président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme, je dénonce et je condamne cette répression.

Quel est le bilan de Bouteflika en matière des droits de l’Homme ?

Je pense qu’il ne faut pas s’arrêter au bilan des quinze dernières années, mais de faire le bilan de tout un système autoritaire qui, depuis l’indépendance, ne permet pas l’exercice de la citoyenneté. Le bilan d’Abdelaziz Bouteflika est la suite du bilan de ce système autoritaire. Ainsi, je peux vous parler par exemple des réformes politiques (décidées par le président de la République en avril 2011), dont les lois sur l’information, sur l’audiovisuel ou sur les associations qui constituent une régression terrible en matière d’exercice des libertés. Ensuite, la séparation des pouvoirs n’est pas effective, l’indépendance du pouvoir judiciaire reste toujours une problématique et l’alternance au pouvoir, comme on constate depuis 1962, est une alternance clanique.

Pensez-vous que la situation des droits de l’Homme va s’améliorer en Algérie à l’avenir ? 

On est toujours dans la logique du système autoritaire !  Parler de libertés à l’intérieur d’un système autoritaire, cela veut dire tourner en rond. La nature et la logique du système voudraient qu’on aille vers une continuité dans le changement ou vers un changement dans la continuité. Par contre, j’attends de voir du côté des associations comment mobiliser la société autour de la question des libertés et de tout ce qui peut concourir à la construction d’un vrai État de droit.

Que doit faire le pouvoir pour améliorer la situation des droits de l’Homme en Algérie ?

D’abord, la situation des droits de l’Homme en Algérie n’est pas reluisante. Il n’y a qu’à lire les différents rapports sur la liberté de manifestation, d’expression, d’association. Et quand on voit l’interdiction dont font l’objet certains mouvements comme Barakat ! et des manifestations comme celle organisée hier en Kabylie, il est facile de constater que les choses vont vers la répression des libertés. Mais le pouvoir a intérêt d’amorcer de vraies réformes globales et profondes en instaurant une séparation effective des pouvoirs et l’indépendance de la justice, en révisant les lois dont celle portant organisation des associations et d’aller vers une vraie redistribution de la richesse nationale. Si des réformes politiques, économiques et sociales ne sont pas menées, je crains qu’elles soient imposées par la rue, et quand elles sont portées par la rue, je ne sais pas ce qu’il peut arriver.

Êtes-vous favorable à une période de transition à laquelle appelle l’opposition ?

Le travail de Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme n’est pas un travail partisan. Chacun a son rôle. La LADDH est un contrepouvoir qui fera tout ce qui peut concourir à la promotion des droits de l’Homme. Et tant que j’en serai le président, je tiendrai à l’indépendance de la LADDH.

 

 


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