Éditorial : l’Algérie comme sur des roulettes

C’est une image qui résume un pays. Son président en fauteuil roulant poussé par un médecin. Toute l’Algérie dans ce cliché, 52 ans après l’indépendance. Avec l’impression amère que le pays est incapable de produire des élites qui sauront porter haut et fort les couleurs de l’Algérie.

Bien sûr, les résultats officiels n’ont pas encore été publiés mais déjà le seul réel vainqueur de cette élection est le peuple qui préfère voter avec ses pieds. L’abstention massive, plus encore que celle annoncée, est comme un signal envoyé au régime dont la mise en scène démocratique ne trompe personne.

La jeunesse algérienne ne peut pas accepter la mascarade électorale d’un système où le ministre de la Jeunesse de 1962 est encore au pouvoir en 2014, une fois devenu grabataire. Quelle image est ainsi renvoyée à la jeunesse ? Bien sûr, les zélateurs du régime argueront que l’élection s’est globalement déroulée dans le calme. Mais tout au long de la campagne électorale, le débat s’est réduit à un combat biaisé entre deux représentants d’un même système à bout de souffle et que l’opposition s’est abstenue d’arbitrer. Pour l’instant.

Cette réélection ne sera en rien une surprise et alors que les bureaux de vote ont fermé, il reste un mince espoir : celui d’une transition sérieuse pour faire oublier ce 17 avril funeste et redonner un peu d’espoir à des Algériens fatigués devant tant de mépris affiché.

On préférera rire avec les moqueurs pour qui Bouteflika est « réélu dans un fauteuil » dans un pays où « tout marche comme sur des roulettes ». On pourra aussi pleurer devant cette dernière image, véritable condensé, du rapport des politiques à la situation de l’Algérie.

Si le pays continue à rouler, c’est, en effet, bel et bien grâce aux roulettes du pétrole. Chaque jour, le devenir du pays se joue non pas dans des usines à Constantine, Annaba, Oran ou Alger, mais bien à la Bourse de Londres où le Sahara Blend, le pétrole algérien, est coté. Ainsi, chaque jour, le pays dépense ce que le pétrole lui rapporte. Inconscient du lendemain.

Mais un jour, il devra affronter la réalité, celle d’un pays qui ne produit rien et d’une population qui ne sait rien faire d’autre que profiter du système, chacun avec ses méthodes. Dans l’Algérie de Bouteflika, même le pétrole est extrait grâce à l’aide obligatoire des étrangers, Sonatrach ne sachant toujours pas travailler seule comme une grande compagnie.

En réalité, l’économie algérienne hors pétrole ressemble à celle de ses voisins sahéliens qu’on appelle ici « les Africains », avec une pointe de mépris. Guère plus brillante que celle du Mali ou du Niger. Il faut oser le reconnaitre et quand les organismes internationaux prévoient 4% de croissance, ils ne disent pas, pudiques, que cette croissance est le fait des hydrocarbures et combien l’Algérie ne produit quasiment rien. Une sorte d’économie populaire sans les Soviets qui vont avec. Un gout d’amertume dans un pays où finalement rien ne va. Malgré tout cela, Monsieur le Président, vous allez être réélu dans un pays sur roulettes ! Il n’y a pas de quoi faire la fête.


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