Le bloc-notes de Ghani Gedoui

Bouteflika, en avoir ou pas

Bouteflika, cours de com. Il a laissé Benflis s’égosiller, menacer, crier au loup. Durant toute la campagne, Bouteflika n’a rien dit, rien fait. Voici un cours de com. en 3 temps et 3 messages forts qui ont mis hors-jeu le jeune septuagénaire.

1- Dialogue avec Kerry. Décryptage. Ce message est à consommation interne, même s’il s’adresse à un diplomate étranger. L’homme qu’on a vu parler, d’une voix basse et faible à Kerry, est peut-être un mort, mais c’est un mort qui a des c… et on souhaiterait, à cette mesure, que toute la classe politique soit morte, mais morte comme Bouteflika. Vous voyez ce que je veux dire. Osez dire, sans circonvolutions diplomatiques au secrétaire d’État américain ce qu’a dit le Président-candidat (en un mot, vous ne jouez pas franco avec nous) il faut non seulement avoir toute sa tête, mais aussi le prestige, l’autorité et le charisme nécessaire pour être sûr que l’interlocuteur acceptera les remarques sans broncher. Avec un autre, ça aurait frisé l’incident diplomatique. Pas avec Bouteflika que Kerry respect et considère comme un leader en Afrique et dans le monde arabe.  Qu’on me montre un seul leader arabe ou même mondial, le dernier étant Chavez, mais Chavez est mort, oui montrez-moi un seul dirigeant capable de dire son fait à Kerry. Trouvez-le et je voterai pour lui. Je le jure sur votre tête. Pas la vôtre ? Ok. Celle qui vous est la plus précieuse. Benflis ? Va pour la tête de Benflis. Quoique…

2- Le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Garcia-Margallo.  Décryptage. Message en direction de l’Union européenne. Bouteflika prend à témoin le diplomate espagnol pour pointer son doigt sur un candidat qui souffle sur les braises. Manière de dire je suis l’homme de la paix et de la stabilité. En face, il y a un extrémiste qui hurle au loup, alors que c’est lui le vrai loup. Si demain il y a la houle, il y a des dépassements, il y a des morts, ce ne serait pas ma faute, mais celle du challenger qui veut, coûte que coûte, gagner les élections quitte à plonger l’Algérie dans un bain de sang. Cet homme est un irresponsable. L’Union européenne qui aime la stabilité comme un député sa nouvelle épouse, regarde déjà d’un œil torve Benflis.

3- Lakhdar Brahimi, représentant de l’ONU en Syrie. Décryptage. Message en direction de l’ONU et des pays arabes. Bouteflika délivre le même message d’irresponsabilité de Benflis. Moi ou le chaos, et s’il y a chaos, vous savez qui en est le responsable. Le packshot était formidable. Un modèle du genre.  Lakhdar Brahimi qui déclare à la presse que Bouteflika va de mieux en mieux. Et c’est vrai que Bouteflika va mieux puisque, on l’a vu debout, le maintien ferme et le verbe audible.

Décryptage général. Après avoir été au-dessus de la mêlée, au-dessus des débats, après avoir laissé ses seconds ferrailler avec Benflis qui a montré qu’il était juste au niveau des adjoints, Bouteflika lui assène 3 coups qui l’ont  réduit à un statut d’agité, d’irresponsable et de terroriste aux yeux de l’opinion internationale.

Ghozali, Kafka papillon

Que voulez-vous, j’ai un faible pour les papillons. Et cet homme, jadis papillonnant, avait comme attribut distinctif une cravate papillon qui lui allait à ravir. Un chou, je vous dis. Certains se distinguent par des coups d’éclat, d’autres par des menaces, d’autres encore par de la corruption ou des évasions fiscales, lui a choisi la voie la plus étonnante : la cravate papillon. Et pas n’importe quelle cravate : des rouges, des jaunes, des bleus, tout ce qui brille, quoi. Il était un jardin à lui tout seul. Pour l’éternité, il serait resté l’homme au papillon qui a mis hors-jeu les kamis et les treillis du FIS quand, Premier ministre, il a mis fin au processus électoral qui allait faire basculer l’Algérie dans la dawlya islamia, l’État islamique qu’appelaient de leurs vœux, de leurs sabres et de leurs « kalach » les Abassi Madani, Ali Benhadj et tous les refoulés, ennemis des femmes, qui voyaient la route de la polygamie et du mariage jouissif s’offrir à eux.

À la réflexion, de ce côté-là, et seulement pour ce côté luxure, j’aurais marché avec le FIS. Qui aurait dit non au paradis sexuel sur terre ? Frustré par l’homme au papillon,  je suis redevenu ce que j’étais : un démocrate mou qui gueule et qui ne vote pas, qui drague et qui ne consomme pas, qui boit et qui ne se soûle pas. Un impuissant à la stérilité démocratique. C’est-à-dire un phraseur du dimanche, un peinard, un « hachihe », dérivé de Hachi Slimane, un planqué pour appeler les choses par leur triste nom. J’étais devenu cette chose après la disparition du FIS.

Mais j’avais une consolation : le papillon de Ghozali. Il était la note printanière au milieu du chaos. Il me faisait croire à une Algérie meilleure, différente, élégante où les « dandies » auraient leur place. C’était mon Brummel Ghozali et même mon Rummel puisque je suis Constantinois par des côtés. Cet homme, donc porteur d’espoir, a accordé une interview à TSA.

Après lecture, j’ai oublié le papillon pour Ubu. C’était fort, tellement fort que je n’ai rien compris. Et je suis heureux de n’avoir rien compris. Idiot, bête et heureux de l’être. Jugez sur pièce. Question : « Le président Bouteflika a-t-il des pouvoirs réels ? », réponse de l’homme qui avait un papillon : « En droit, il a des pouvoirs considérables. En fait, absolument pas ! Il y a lieu de ne pas confondre « président de la République’ » et comparse, même éminent, jouant le rôle de président de la République ». Bouteflika n’ayant aucun pouvoir, on regarde du côté de Toufik. Erreur, selon Gozali : « Il est un membre éminent, dites même proéminent du système, il n’en est pas le chef. » Qui est le boss en Algérie : « Ceux qui décident sont dans l’ombre. Ce n’est pas une hypothèse mais la réalité ». Nous sommes dans une fiction où les chefs sont de faux chefs et les vrais chefs sont cachés. Personne ne les connait.  Personne. Ni le scénariste, ni le réalisateur, ni le producteur. Si la journaliste avait poussé un peu plus Ghozali, il aurait dit que l’Algérie n’existe pas, elle est virtuelle, que les Algériens n’ont aucune existence, que tout est dans tout et que même lui n’est pas Ghozali qu’il aurait pu l’être, mais qu’il ne doit pas l’être, car il n’a pas lu « L’être et le néant » de Sartre qui n’est pas mort, et d’ailleurs un mort n’est pas un Maure et que le meilleur des Maures est un homme mort qui a le mors aux dents ! Avez-vous compris quelque chose ? Non ? Très bien. C’était du Ghozali. On ne rit pas. On ne  pleure pas. On ne pige rien. Et on dit hamdoullah, hamdoullah pour remercier le Seigneur de ce pur moment d’illumination.

Benflis, ennemi de lui-même

Qu’il est sympa Benflis qui vient de changer la composition de son cinquième gouvernement. C’est un semeur de promesses. Avec lui, l’Algérie sera le plus beau pays du monde. Sera, toujours le futur ! Franchement, n’a-t-il pas une bonne bouille Benflis ?  On dirait un gosse prématurément vieilli. En plus, il a beaucoup d’humour et beaucoup d’amour aussi pour Bouteflika. Il a été son directeur de cabinet, son Premier ministre et le voilà son meilleur ennemi. Ce n’est pas beau cette fidélité passionnelle pour un même homme. On va me dire que ce n’est pas la même passion que l’amour fou et la haine folle. Moi je ne vois pas de différence, puisque dans les deux cas on est fou, emporté, possédé par sa passion. L’homme qui embrasse goulûment une femme, l’étreignant étroitement contre son corps brûlant de désir ne ressemble-t-il pas à l’homme qui étrangle furieusement la femme ? J’ai raison ? Comme toujours. Pas d’accord ? C’est votre affaire. Et pas la mienne. Votez alors Bouteflika. Et vous aurez raison.

Hé, avez-vous vu les débats de Benflis ? Du spectacle, du rire, purs moments de bonheur. Bonheur pour nous, catastrophe pour lui.  Il nargue les journalistes, il fait un humour à deux balles, il s’énerve, trois comportements toxiques pour tout candidat à la présidentielle. Que Ben ne cherche pas de boucs émissaires, son meilleur ennemi ; c’est lui-même.


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