Vu de Paris : Le Pen en France, Kerry à Alger et « Boutef bien fatigué »

À Paris, aussi c’est le temps des élections. Et la situation politique s’aggrave à chaque scrutin.  La progression de l’extrême droite devient un signal majeur envoyé à l’étranger. La fille de Jean-Marie Le Pen continue de gagner des voix, scrutin après scrutin, sans qu’un coup d’arrêt ne semble en mesure de lui être porté. Le président Hollande était le patron du Parti socialiste en 2002 lors du second tour de l’élection présidentielle entre Le Pen et Chirac. Il voit s’éloigner chaque jour un peu plus l’électorat socialiste, lequel se réfugie dans l’abstention ou file directement chez Marine Le Pen. C’est là une alerte de très haute intensité en prévision du prochain scrutin présidentiel, où le président Hollande risque d’être très largement devancé par le candidat de droite ou l’extrême droite. Ces résultats de dimanche dernier devraient être confirmés par le second tour de ce dimanche, mais ils sont un message adressé au vivre-ensemble républicain, aux Français d’origine étrangère ainsi qu’aux immigrés qui se retrouveront, une fois de plus, les premiers stigmatisés.

Viendra bientôt le temps où la France sera mise à l’index par bien des pays étrangers pour laisser pulluler pareilles idées d’exclusion et de haine dans son champ politique. Il n’y a, en effet, pas beaucoup à gratter derrière la façade de respectabilité affichée par la fille de Jean-Marie Le Pen pour laisser transparaitre les pires travers de l’extrême droite classique. La conquête de 5 à 10 villes importantes par le Front national, dimanche prochain, sera assurément une tache au cœur de la République.

En Algérie, les élections à venir ne seront certainement pas une partie de plaisir pour le pouvoir avec, là aussi, une abstention record qui est à redouter. Et ce n’est pas l’Europe qui viendra au secours du pouvoir. L’Union européenne vient ainsi de refuser d’envoyer une délégation d’observateurs pour valider le scrutin du 17 avril. C’est là une bien mauvaise nouvelle pour le pouvoir. Le candidat Ali Benflis et les partis qui boycottent l’ont déjà dit : il y aura fraude le 17 avril. Au moins, l’Union européenne s’en lave-t-elle les mains. Déjà, il y a deux ans, lors des élections législatives, elle avait émis des recommandations à la fois techniques et politiques pour obliger Alger à faire preuve de rigueur électorale. Depuis, rien n’a été mis en place et l’Union européenne a décidé de ne pas jouer les alibis à bon compte. C’est, il faut le souligner, une forme de prise de position politique à l’égard de la situation politique algérienne.

C’est dans ce contexte, qu’un dirigeant étranger, de premier plan, sera la semaine prochaine à Alger, en pleine période électorale. John Kerry le Secrétaire d‘État américain a prévu une visite de travail en Algérie avant de se rendre à Rabat. S’il n’est pas explicitement mentionné qu’il rencontrera Abdelaziz Bouteflika, ce dernier devrait très certainement s’afficher aux côtés du dirigeant américain pour tenter de montrer au peuple algérien qu’il est encore maître de la situation. Cela fera une séquence à la télévision et, certainement une fois encore, la joie des humoristes. Bouteflika est en effet devenu, pour de nombreux médias internationaux, une sorte de marionnette en forme de momie et tant que le Président n’aura pas repris la parole – mais le pourrait-il un jour ? – pour démontrer ses capacités, il demeurera pour les observateurs et ses visiteurs une pathétique curiosité entourée de personnalités qui orientent, en son nom, les décisions selon leur bon vouloir.

En tout état de cause, rencontrer Abdelaziz Bouteflika pour John Kerry sera, avant tout, l’occasion de lui prendre le pouls. C’est ainsi que chaque personnalité étrangère qui rencontre le président algérien se retrouve dans cette désagréable position de médecin malgré elle, chargée de poser un diagnostic. TSA a ainsi rendu compte d’une anecdote, en ce sens, tout à fait signifiante rapportée dans un ouvrage récent. Nicolas Sarkozy au cours d’une conversation privée avait ainsi pu lâcher : « Pauvre Boutef, il est vraiment bien fatigué ». La phrase prononcée par Nicolas Sarkozy ne datait pas d’aujourd’hui, mais bien de 2010. À cette époque, le Président n’avait pas encore été victime de son accident vasculaire cérébral et le chef d’État français portait déjà un jugement cruel. Autant dire qu’aujourd’hui Sarkozy serait impitoyable. Espérons que John Kerry saura faire preuve de plus de mansuétude …


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