Vu de Paris Paris, Zeroual et Belkhadem, à chacun sa petite musique en sourdine

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C’est peu dire que chacun prend des gants vis-à-vis de cette élection. Les acteurs directs ou indirects, pour des raisons différentes, jouent en sourdine pour faire passer les messages qui leur sont chers.

C’est d’abord Paris qui, la semaine dernière, s’est exprimé sur la situation algérienne. Oh ! Pas question de commenter directement la campagne et la perspective de quatrième mandat. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a fait une sortie sur la liberté d’expression et de manifestation qui a été suivie d’effet puisque le lendemain, le mouvement Barakat! pouvait défiler dans les rues d’Alger sans matraque. Ce rappel du porte-parole du ministère français a surpris certains observateurs mais assurément, il ne sera pas dit que Paris se laisserait, à nouveau, déborder par des mouvements populaires dans le monde arabe.

A l’évidence, la diplomatie française, par cette position officielle tient à marquer son soutien à toute forme d’expression publique, alors même que les acteurs français restent dans leurs commentaires d’une prudence inédite dès qu’il s’agit d’évoquer cette élection algérienne. Bien sûr, la relation François Hollande-Abdelaziz Bouteflika, renforcée durant le séjour dans les hôpitaux parisiens du président algérien, cette relation gouverne tous les contacts bilatéraux et si Paris entend rappeler les symboles auxquels tient la France, il n’est pas question de s’opposer à la réélection de celui qui incarne la stabilité de l’Algérie, première exigence française au milieu d’un Maghreb singulièrement chaotique. Mais en public comme dans des propos privés, personne ne se hasarde au moindre commentaire sur le processus électoral et en cela c’est déjà inédit. Un peu comme si la France était, également, ligotée par la volonté d’Abdelaziz Bouteflika de se succéder, une fois encore.

Un autre homme est également appelé à la prudence dans les propos. Ancien président, Liamine Zeroual avait résisté l’an dernier, à l’appel de quelques conseillers médiatiques, pour revenir dans le champ politique. A trois semaines du scrutin, il a néanmoins pris la parole pour dire son mot. De façon impressionniste, par petites touches mais avec des certitudes. D’abord la nécessité de l’alternance au plus haut niveau du pouvoir. Lui, qui avait su quitter la direction du pays dans des conditions délicates, pour lui permettre de respirer, peut utilement donner la leçon sur ce registre et en ce sens c’est déjà une première pierre dans le jardin d’Abdelaziz Bouteflika.

Pas question également pour lui d’appeler à voter pour le président. Au contraire, entre les lignes il dessine le portrait de son adversaire numéro un, Ali Benflis. Ça n’est pas explicite mais c’est bien présent dans les silences et entre les lignes de ses propos. L’ancien militaire est trop respectueux des institutions pour dire que la candidature de Bouteflika n’est pas convenable, mais assurément, il ne souhaite pas sa réélection, sinon il l’aurait dit.

Pour sa première prise de parole depuis son départ d’El Mouradia, celui que Bouteflika avait qualifié de « président stagiaire » et qui refuse de paraitre à toutes les cérémonies officielles, aurait pu être plus véhément. Mais lui aussi est obligé par la candidature de Bouteflika et le rassemblement de ténors politiques autour de lui. Car, c’est là encore une situation inédite que de voir ces différents acteurs que rien ne rassemble par ailleurs et qui déjà laissent paraitre leurs différences politiques majeures.

C’est ainsi qu’Abdelaziz Belkhadem s’est-il laissé aller à faire entendre sa petite musique dans un entretien donné à la chaîne privée Echourouk TV. Il y critique à mots plus ou moins couverts Abdelmalek Sellal et surtout Amar Saâdani. Belkhadem, privé du pouvoir depuis de nombreux mois ronge son frein. Il est comme Ouyahia qui attend le poste de vice-président pour succéder à Bouteflika, mais il joue, lui, une tout autre partie, celle de succéder à Saâdani à la tête du FLN pour reprendre le contrôle du parti principal et préparer les échéances à venir. Le coup d’après. Cet islamo-conservateur sait que bien des tendances du pouvoir algérien lui sont hostiles mais il peut également incarner une ligne populiste qui demain est susceptible de lui être précieuse dans le cadre d’un affrontement pour une élection à venir. A présent il bénéficie de la confiance de Bouteflika et de ses proches qui l’ont associé à la campagne et c’est déjà pour lui une forme de renaissance. L’homme est reconnaissant et ne fera rien qui puisse contrecarrer le président. Pour ce qui est de ses lieutenants, Belkhadem est trop libre de sa parole et de ses actions pour résister à s’engager dès maintenant dans les batailles contre Sellal et Saâdani. C’est en tant que conseiller spécial du président et ministre d’Etat, un rang quasi similaire à celui de Premier ministre qu’il pèse dans cette campagne, à contre-emploi du patron du FLN et de l’ancien Premier ministre.

Paris, Zeroual, Belkhadem, Bouteflika a réussi à ligoter toute forme de parole et d’action autour de lui. Il est, dès lors, inutile de poser les questions qui fâchent, sa santé et sa capacité d’action réelle; personne ne se risque finalement à critiquer la posture du président algérien. Bien plus encore, celle-ci elle oblige tous ses proches et même ses adversaires. On n’a d’ailleurs pas entendu Ali Benflis critiquer l’état de santé de Bouteflika comme s’il s’agissait d’une ligne rouge à ne pas dépasser. Un impensé de la politique algérienne qui pèsera longtemps dans l’avenir du pays.

 


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